Histoire d’os
Depuis la nuit des temps, par des pratiques rituelles ou cultuelles, souvent liées
au chamanisme, l’homme crée des objets faits à partir de crânes humains ou
de tibia. On retrouve cette tendance dans le Bouddhisme Tantrique avec la
Tradition Bönpo. Avec le christianisme se développe le culte des reliques avec
les os de martyrs, depuis les anciennes catacombes romaines jusqu’aux autels
consacrés dans de très nombreuses églises où ils sont enchâssés dans des
médaillons ou des coffrets précieux. Squelettes ou gouttes de sang sont entourés
d’une vénération intense qui confine parfois à une superstition et il est fréquent
que leur soit accordés des pouvoirs occultes, ainsi ils émettraient un
rayonnement doré et une odeur douce et sucrée.
Avec Corine Borgnet il n’est pas question d’ossements humains mais bel et bien
d’animaux et particulièrement de volatiles : bréchet, pubis et ischium de
pintade ou de canard, vertèbres caudales et pygostyle de poulet, crêtes sternales
de chapon ou de caille s’égrènent tels un chapelet. Parfois ces carcasses de
volaille se trouvent accompagnées de crânes, de pieds, de griffes ou de dents
provenant d’autres espèces telles que la taupe ou le chat. Savamment nettoyés,
poncés, ces très petits éléments prompts à se casser ou se réduire en poussière,
sont traités avec le plus grand soin par l’artiste.
Corine Borgnet redonne une nouvelle forme et un tout autre usage à ces
matériaux quelque peu insolites. Assemblés entre eux ils deviennent le médium
par lequel elle s’exprime. Ces fragments animaliers acquièrent une forme de
sacralité en étant élevés au rang d’oeuvre d’art, ils se transmuent d’un banal
matériau en un sujet noble comme sous l’effet de l’alchimie.
Ces objets raffinés deviennent évocateurs d’un imaginaire de conte de fées :
chaussure de cendrillon, couronnes royales, diadèmes de princesse, gant de
chevalier, fleur mortelle de la belle & la bête, guêpière de courtisane, jarretière
de la mariée…
Isabelle de Maison Rouge